Biographie de Maurice Zundel par lui-même

 

Biographie de Maurice Zundel par lui-même

 

Pour commencer à bien connaître Maurice Zundel, et pour être introduit à l’intelligence profonde de sa pensée, la meilleure façon est certainement d’entendre les confidences qu’il a faites sur lui-même à une communauté de religieuses, à deux ans d’intervalle et sur leur demande insistante. Nous allons donc en retranscrire ici quelques-unes, parmi les plus importantes sans doute.

 

« Je suis né à Neuchâtel, un petit canton suisse, le 21 janvier 1897. Ma grand-mère maternelle était protestante et c’est elle, je pense, qui m’a le plus influencé dans toute ma vie… Ma mère, très travailleuse, a été élevée dans le catholicisme le plus étroit et le plus fermé qu’on puisse imaginer… Mon père était de Suisse allemande, d’un catholicisme extrêmement vague mais admirablement fidèle à ses pratiques religieuses grâce sans doute, en partie, à ma mère… Il décida de me mettre à l’école communale protestante…

 

Bien que n’étant pas leur élève, j’étais tout le temps fourré chez les Frères, dont l’un était mon oncle Auguste. Celui-ci aimait beaucoup la Sainte Vierge et c’est sans doute lui qui m’a donné une grande dévotion pour elle. Depuis ma première communion, je me levais tous les jours à 5 heures pour aller à la Messe de 6 heures et je prenais mon petit déjeuner chez mon oncle qui m’aimait beaucoup et ne m’en voulait pas de ne pas fréquenter son école.

 

Le catholicisme ambiant était très rituel, il offrait un monde de facilité qui n’engageait à rien : il suffisait d’avoir une mémoire des formules du culte pour être comblé… Tout pouvait se résumer en une pratique religieuse sans aucune expérience de Dieu. Les formules étaient justes et vraies, donc admissibles, mais mortes. Le salut était dans la conformité à des formules bien choisies… La religion familiale était imposée sans résistance.

 

Aux écoles communales, où je suis resté jusqu’à ma quinzième année, tous les maîtres étaient protestants, tous étaient bons, bienveillants et ils ne parlaient jamais du catholicisme. Mes camarades – ils étaient pour la plupart protestants – étaient charmants. Les professeurs et mes compagnons savaient que je pensais à la prêtrise et tous respectaient ma décision…

 

Evidemment, je ne pouvais respirer le protestantisme de cette atmosphère sans y gagner un sens critique à l’égard de tout ce qui, dans le catholicisme, n’est pas du pur Evangile. J’étais catholique avec acharnement, avec premier prix de catéchisme, très intéressé. À l’âge de douze ou treize ans, j’étais un petit théologien, écrivant des articles dans les journaux, etc. Mais ma religion était superficielle et sentimentale, une religion de rites, de formules et d’arguments. je n’avais pas de contact réel avec Dieu, sinon un contact sentimental extrêmement mélangé et je ne connaissais pas le vrai Dieu.

 

Un grand événement s’est produit autour de ma quinzième année : la rencontre avec un ami protestant, apprenti mécanicien qui habitait la même maison que moi. Il lisait, entre autres, les livres de Victor Hugo et de Pascal pour rattraper les études que son père voulait qu’il fasse et qu’il avait refusées, ce qu’il regrettait amèrement, mais il ne voulait pas rebrousser chemin et retourner en arrière.

 

Il a été le premier à me faire goûter l’Evangile et il a eu sur moi une énorme influence. Un jour il me demanda : « Tu connais le Sermon sur la montagne? » Et moi, plein de confusion, j’ai répondu que non. En effet, je l’avais entendu lire à l’Eglise et c’était entré par une oreille et sorti par l’autre. Alors ce garçon m’a lu le Sermon sur la montagne avec un accent si pénétrant, si personnel, si convaincu que j’en étais bouleversé…

 

Nous l’avons copié à l’encre rouge. Nous étions emballés et nous nous entraînions… C’est l’époque où j’inscrivais les versets de saint jean sur le papier peint de ma chambre… J’avais rencontré Quelqu’un. Les paroles que j’avais entendues cent fois devenaient étonnamment vivantes… Il y avait un Ami qui avait le secret de la vie : c’était l’époque de la découverte, de la nouveauté, de l’enthousiasme. Période inoubliable, car une flamme avait été allumée à ce moment-là. Ce fut l’élan foncier qui a fait naître et alimenté ma vocation, aurore d’une vie religieuse qui ressemblait à un mouvement de l’esprit, à une confidence personnelle qui s’adressait au plus profond de moi-même. Depuis ce temps-là, l’Evangile m’est devenu tout à fait personnel.

 

Le récit de Victor Hugo dans Les misérables que me lisait mon ami et qui raconte l’histoire de jean Valjean a fait sur moi une énorme impression: j’ai résolu de devenir le prêtre des pauvres, de n’avoir jamais rien à moi. Ma maison serait la maison de Jésus-Christ. En effet, toute ma vie, des mendiants m’ont exploité et des pauvres m’ont vidé les poches et les tiroirs…

 

C’est aussi aux environs de mes quinze ans ou un peu avant qu’a eu lieu un autre événement capital qui a marqué toute ma vie. je me trouvais à l’Eglise lorsque, tout d’un coup, j’ai senti la présence de la Vierge Marie.

 

C’était quelque chose de mystérieux. J’ai reçu de la part de la Sainte Vierge, une sorte d’appel, urgent, instantané, bouleversant et irrésistible qui a changé toute ma vie. Il n’y avait pas de vision, rien de visible mais quelque chose d’intérieur qui ne souffrait aucune espèce de résistance. Depuis lors, ma vie a été entre les mains de la Sainte Vierge et je n’ai rien fait sans elle, rien de bien, naturellement, et j’ai gardé pour l’Immaculée Conception une sorte de tendresse profonde.

 

J’ai eu la certitude que ma vie était dans ce sillage, dans cette ligne, que j’étais engagé d’une manière absolue, que ma vie avait commencé avec ce mystère, que tout était engagé avec cette nouveauté de l’Immaculée Conception, qu’elle était au cœur de la Rédemption, son accomplissement le plus parfait. je ne devais rien faire sans elle et, en effet, je n’ai rien fait sans elle. Ma santé, ma respiration, mon intelligence, mes actions, mes connaissances et mes nombreuses courses perpétuelles, tout est entre ses mains. Chaque fois que j’ai la moindre difficulté, je célèbre une Messe de l’Immaculée Conception et je remets tout entre ses mains. Certain que, puisque je ne VIS (JUC pour elle, je dois lui abandonner absolument tout…

 

Mes études secondaires finies, je devais aller à un collège catholique si je voulais devenir prêtre. Alors j’ai quitté ma ville natale pour entrer au séminaire de Fribourg où je suis resté une année pour faire de la philosophie. Les professeurs étaient de braves gens mais les cours étaient médiocres et suivaient la discipline ceux qui le voulaient, dont j’étais. Par bonheur, à la fin de cette année, j’ai choisi de finir mes études en langue allemande … je suis donc allé chez les bénédictins d’Einsiedeln …

 

L’abbé du couvent était un saint et l’on gardait dans l’abbaye le plus grand silence et le plus parfait recueillement. La liturgie y était célébrée avec perfection. Je n’ai jamais assisté, depuis, à une messe pontificale où tous les ministres gardaient les yeux fermés…

 

La vie liturgique y était une chose vécue, dont on ne parlait d’ailleurs pas, mais on en vivait avec une intensité prodigieuse. Cent cinquante moines vivaient dans le silence sans que je m’en aperçoive : ce fut un apport fondamental. Ce cérémonial, découvert à travers l’Evangile, c’était la réconciliation de l’Evangile avec le visible. Il était incarné sur la terre dans la Parole, les couleurs et les sons, tout cela autour de la Table du Seigneur. La vie monastique était sur tous les plans du réel. Le silence était vraiment présence de Quelqu’un. Ce côté rituel, je l’ai vu comme un voile de lumière jeté sur un Visage… La vie à travers toutes les réalités visibles, ordonnées dans la mesure, tout cela était fait pour harmoniser tous les plans de l’existence…

 

Il y avait une chapelle dédiée à la Vierge Noire, appelée ainsi parce qu’elle avait échappé au feu. Chaque soir, on y chantait solennellement le Salve Regina. La Sainte Vierge faisait partie de la vie. Pendant ces années, j’étais extrêmement heureux et j’étais comblé par la présence de la Sainte Vierge. Je pense que j’y serais resté, tellement j’y ai respiré cette vie monastique, cette régularité parfaite, cette liturgie, ce silence et ce recueillement, si les circonstances n’avaient pas obligé à évacuer tous les étudiants français. C’est la patrie de mon esprit et je suis resté oblat de Saint Benoît.

 

Je suis alors retourné à Fribourg pour faire ma théologie, une terrible épreuve. C’est là que la Parole de Dieu devint un sujet d’examen, ce qui est quelque chose d’extrêmement douloureux pour quelqu’un qui a commencé à connaître Dieu par l’Evangile, qui est attiré vers une certaine expérience de Dieu.

 

On enseignait saint Thomas en mauvais latin et du matin au soir on répétait « ad quid ergo, ad quid ergo ». On apprenait par cœur les hérésies, on prouvait la vérité par des arguments… Il fallait montrer, démontrer Dieu par des formules sèches et arides, dont personne de ceux qui les enseignait ne vivait… Première déception : ma vie religieuse avait pris naissance au Sermon sur la montagne et il m’était difficile de trouver Dieu dans des formules verbales, sans chaleur, sans aménité. Il était question de rouages qui s’engrènent, d’une mécanique, peut-être intelligente, mais qui n’avait pas de rapport intime avec une religion véritable. J’ai cru que c’était vraiment cela la rectitude. C’était l’époque où on ne jurait que par le thomisme. Jacques Maritain devenait « docteur de l’Eglise » et cette orthodoxie était devenue envahissante, En théologie, il ne s’agissait pas de s’enthousiasmer sur la Trinité ou sur la grâce, il fallait passer des examens sur la Trinité et sur la grâce et c’est autre chose que la contemplation.

 

J’avais hâte de finir avec les études et de sortir prêtre. Sur la prêtrise et sur le célibat, on ne nous disait rien du tout. On nous faisait étudier, on nous préparait à des examens. Pour le reste, ça passait comme ça venait. Enfin je suis sorti prêtre le 20 juillet 1919; j’étais très jeune, j’avais vingt-deux ans et demi.

 

J’ai été nommé vicaire dans la ville de Genève et j’ai reçu une charge sur l’autre. J’étais aumônier d’un pensionnat de jeunes filles et aussi d’un hôpital, je devais faire le catéchisme aux enfants, donner des leçons de doctrine chrétienne aux collégiens, donner des cours à l’Université et aider les pauvres. Enfin, j’étais accablé de travail, surchargé à n’en plus pouvoir. Souvent, je disais mon bréviaire à minuit et à 2 heures, et parfois à 4 heures du matin, je préparais mes classes. je dormais peu, trop peu, deux heures! Il fallait lire en toute hâte, en diagonale, sans aucune profondeur, les livres qu’il fallait réfuter. je menais une vie activiste au suprême degré. J’étais accablé d’un travail insensé, impossible, où je me vidais de toute substance spirituelle, qui me mettait à bout de nerfs et m’obligeait à vivre à la surface.

 

Vraiment c’était un surmenage absurde, une vie à vous casser le cou, ou plutôt ce n’était pas une vie, c’était fou. je me souviens encore de mes leçons où je prouvais l’existence de Dieu avec des arguments et, au bout de cette classe, j’avais vraiment honte. je sentais que c’était faux et malhonnête et que cela ne prouvait rien du tout, cela ne pouvait convertir personne.

 

Mais les pauvres m’ont sauvé. Ils étaient pour moi le sacrement de Dieu. Les pauvres auxquels je croyais et en faveur desquels je vidais mes poches. C’est grâce à eux, et spécialement à la Sainte Vierge, qui m’est restée toujours présente, ainsi qu’à l’Evangile goûté dans mon adolescence, que j’ai pu surnager dans cette vie d’activisme.

 

Ensuite vint la grâce des grâces, la présence de saint François d’Assise. je l’ai rencontré à ce moment-là et je ne pouvais imaginer l’influence qu’il devait avoir sur moi qui concordait avec ce que la théologie m’avait apporté de meilleur.

 

Quand on pense à l’histoire des dogmes, ce mot qui hérisse tous les gens qui ne savent pas ce que cela veut dire… ces notions s’acharnaient, en fait, à montrer que tout reposait sur la qualité de relation et sur la générosité.

 

L’incendie s’est allumé en moi : je percevais que la mystique trinitaire était l’expression d’une générosité. L’esprit pouvait aller plus loin.

 

Saint François m’est apparu comme celui qui a eu la mission unique de chanter la pauvreté comme une personne et de voir en elle Dieu lui-même.

 

Ce que les théologiens disaient admirablement mais sèchement devenait vivant et le regroupement s’est fait de lui-même : la sagesse de Dieu s’identifiait avec la pauvreté : c’était la fin du « système ».

 

Ce n’est que très tard que j’ai compris, que j’ai commencé à comprendre, et je ne fais que commencer, que justement la Vérité est une Personne, que Dieu est Esprit et que Dieu est Pauvreté. Ce n’est que très tard que j’ai eu, et d’une manière vitale, vivante, expérimentale et personnelle, ce contact avec le Dieu pauvre.

 

Combien j’ai peiné pour vivre la pauvreté de Dieu! La notion de Dieu pauvre, je l’avais dans l’esprit. Combien j’ai peiné pour apprendre la pauvreté de Dieu, pour prendre la dernière place! La pauvreté de Dieu devient tous les jours plus claire pour moi, tous les jours plus exigeante, c’est tous les jours à recommencer et à me convertir de nouveau chaque matin.

 

Il fallait tout changer, tout remettre en question, toute la Bible, toute la tradition, toute la liturgie, toute la morale chrétienne, toute la philosophie, toute la conception de la connaissance, de la science, de la propriété, du droit, de la hiérarchie, parce que c’était tout faire passer du dehors au-dedans, c’était tout faire passer sur un autre plan, sur le plan du mariage et de l’amour, sur le plan de la liberté absolue.

 

Il n’y avait plus aucune espèce d’obligation, il n’y avait plus de commandement ni pour l’intelligence ni pour la volonté : la foi est essentiellement la libération de l’intelligence plongée dans la lumière de l’intimité divine, la morale est essentiellement la création de l’Univers, enracinée dans la liberté divine.

 

Dieu ne pouvait rien commander, rien prescrire, rien punir. Puisqu’Il est l’Amour qui n’est qu’amour, mais Pas dans le cœur, mais pas dans la vie.

Il est incapable de rien posséder, Il ne peut pas posséder le monde, ni nous posséder, Il ne peut rien nous imposer. Il ne peut que souffrir et se proposer, et mourir, mourir crucifié! Il ne peut punir personne, Il ne peut que s’offrir comme un contrepoids d’amour, Il ne peut qu’être victime du mal, et le Bien ne peut être que Lui-même à aimer. Ne pas L’aimer, c’est Le tuer, ne pas L’aimer, c’est Le crucifier, c’est L’exiler de son cœur. Ne pas L’aimer, c’est effacer son existence dans l’Univers et en soi-même. La Création prend donc un sens tout à fait nouveau.

 

Dieu crée par amour, pour l’amour, Il ne peut construire sans l’Amour, Il ne peut pas construire sans les autres, sans les créatures intelligentes, sans la réciprocité! La Création de l’Amour peut donc échouer, elle peut être manquée parce que Dieu est Amour et rien qu’Amour: Il est toujours là, et si nous, nous ne sommes pas là, rien ne se passe sinon la crucifixion de Dieu.

 

Alors tout est changé : on est libre! Davantage on ne peut qu’être libre, et le seul devoir, c’est d’être libre, libre, libre, libre de tout, libre à l’égard de tous, libre devant Dieu qui est la Liberté même, libre d’abord de soi-même.

 

Si je suis esclave de moi-même, je suis dans le pire des esclavages! La seule liberté, c’est d’être libre de soi-même! C’est ce qui m’a permis de vivre dans une critique à l’égard de tout, de critiquer l’Ecriture d’un bout à l’autre, de rejeter tout ce qui n’est pas l’Amour et d’être fidèle à tout, parce que l’Ecriture est un sacrement, c’est le voile derrière lequel il faut chercher le visage de l’Amour.

 

La hiérarchie est un sacrement. Il ne s’agit pas d’être esclave de la hiérarchie, mais, à travers elle, et malgré elle s’il le faut, de trouver le visage de l’Amour.

 

La liturgie reste le mystère le plus sacré parce que, à travers les gestes et les symboles, il s’agit de rencontrer la Présence de l’Amour. Nous n’avons jamais à faire qu’à la Présence de l’Amour, jamais à vivre que pour l’Amour, jamais à témoigner que de l’Amour, jamais à s’effacer que devant l’Amour.

 

Tout apostolat, c’est ceci : ne laisser transparaître que l’amour, rien d’autre! Ce qu’il faut sauver dans les autres, c’est l’Amour, et comment le sauver? Par l’Amour.

 

Il ne s’agit pas de prêcher l’Amour, mais d’être l’Amour, et cet amour est ineffable, et justement, magnifiquement voilé dans les sacrements de l’Eglise, dans le sacrement des sacrements, le sacrement de la liturgie, le sacrement de l’Univers, celui du silence et de l’Amour.

 

Le savant, l’homme de laboratoire, le chimiste, qui interroge l’Univers, s’il ne pense qu’à faire de l’argent, s’il s’amuse, s’il n’a aucun respect de la vie, peut réussir des expériences mais ne pourra jamais connaître la Vérité. Pour connaître la Vérité, il faut appliquer la grille du respect et de l’amour: quand un homme cherche dans la lecture, il n’est pas seul, quand un homme cherche dans son laboratoire, il n’est pas seul! À travers l’expérience qu’il fait, il n’est pas seul, il y a une Pensée, une Présence, une Intelligence, une Lumière qui l’appelle. Il doit faire le vide en soi, il doit se purifier pour découvrir la Vérité. Alors, peu à peu, à travers ses calculs et ses mesures, à travers son microscope, son télescope, ses dissections atomiques, il va être en contact et en dialogue avec Quelqu’un, et la Vérité, ce sera cette Présence d’amour qui lui permettra de dépasser le laboratoire, les calculs et les observations pour dialoguer à travers eux avec la Lumière qui commence à illuminer son intelligence et à lui faire comprendre que l’Univers est en avant de lui, que l’Univers est imparfait, inachevé, qu’il n’existera finalement que lorsqu’il aura fermé l’anneau d’or des fiançailles éternelles, donné le complément et le supplément de son oui, le supplément et le complément de son amour.

 

Je ne crois pas à l’action, je crois à la présence. C’est ainsi qu’en toutes circonstances l’amour apparaîtra comme une Personne confiée à notre amour, c’est ainsi que la vie va se transfigurer, qu’elle va devenir sacrée et que la religion va devenir la respiration même de notre existence.

 

Dès qu’on cesse de s’effacer dans la divine Pauvreté, dès qu’on cesse de voir en Dieu l’amour qui se donne et ne peut que se donner, dès qu’on cesse de vivre de cet amour en se donnant soi-même, c’est fini! Cette lumière s’efface, tout le dogme redevient une formule et se matérialise, tous les sacrements se changent en rites extérieurs, toute la hiérarchie devient une tyrannie, toute l’Eglise devient une perte de temps et une absurdité, toute la Bible un tissu de mythes!

 

Il faut à chaque instant retrouver ce contact virginal avec nous-mêmes, à chaque instant naître en nous perdant en Dieu, à chaque instant renaître de Sa Lumière et dans Son Amour, comme est né de Son Cœur l’Immaculée Conception.

 

Le mystère de l’Immaculée Conception doit devenir nôtre. Ce qui fait toute la grandeur de Marie, c’est cela : la racine de son être est Dieu, et le seul contact qu’elle a avec elle-même, c’est Dieu, et la seule connaissance qu’elle a d’elle-même, c’est Dieu. Elle est tout entière transparente à Dieu comme un ostensoir de Dieu, elle ne peut que conduire à Dieu parce qu’elle ne respire que Dieu. »

 

 

Bien évidemment Zundel n’aurait jamais osé publier telles quelles ces confidences et l’on a hésité à le faire avant de les offrir au lecteur car elles peuvent être mal comprises et paraître, sinon condamner, du moins juger toute une façon séculaire dont l’Eglise a semblé enseigner et vivre sa foi. Il s’agit de les entendre seulement comme un appel, urgent de nos jours, à une conversion de nous-mêmes à renouveler chaque jour, nous dirait Zundel sous peine de voir l’Eglise se marginaliser de plus en plus dans la société contemporaine et n’offrir presque aucune crédibilité.